Expériences, tome 1,

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Chapitre 7 ~ Heartwork

Chapitre 7 ~ Heartwork

 

Dimanche

    Manaël

  Dimanche. Jour de chapelle. Le deuxième dimanche de l'année... Uniquement le deuxième. J'aurai préféré que le temps passe plus vite. Plus tôt nous serons sortis d'ici, mieux je me porterai !

  J'enfile rapidement mon infâme uniforme totalement blanc. Les autres sont encore endormis, mais tout à coup le glas de la cloche résonne. Je reste assis sur mon lit, en tailleur, le regard perdu dans le vide.

  — Hé, petit génie, t'es déjà debout ?

  Je me tourne vers Adams et lui lance un sourire hésitant.

  — Ah, je comprends. T'aimes pas les jours de chapelles, c'est ça ? T'en fais pas, moi aussi ça me fait complètement flipper.

  — Alors on sera trois, grogne Elyan.

  — On a tous peur, dit Kathleen. Il faut juste se serrer les coudes.

  — Mmmh, acquièce Courtney.

  Une fois que tout le monde soit prêt, nous nous dirigeons vers le réfectoire. Tous les élèves sont là, silencieux, en mangeant leur petit-déjeuner.

  Peu après, nous suivons Madame Li jusqu'à la chapelle. Je suis de nouveau abasourdi par la beauté des lieux. Madame Li serait donc... Riche ? Impossible ! Sinon, elle n'aurait pas choisi le mètier de directrice...

  Sauf si directrice n'est pas son métier.

  Du commerce d'esclaves enfants ? Ça existe encore après tout, même si c'est très rare en France. Non, pitié, tout sauf ça. Mais les quatre élèves qui ont disparu...

  Je me secoue mentalement. J'imagine le pire, ce n'est certainement pas ça.

  Nous nous installons sur les bancs richement sculptés, je me retrouve à côté de Carla. Elle regarde droit devant elle, comme si elle était perdu. Je lui prends la main, et elle réagit à peine, se contentant de me lancer un vague coup d'œil. Je l'aime bien, Carla. Elle est si... Fragile, on a l'impression qu'on pourrait la briser en la touchant. Mais qui a pu la blesser à ce point ?

  Madame Li, qui a revêtu son habit de prêtre, entame une prière. Je me demande qui est Sainte Marie, la créatrice de cet endroit, à laquelle nous sommes forcés de vouer un culte profond. Peut-être même est-ce une personne encore vivante ? Il y a peu de chances.

  — Chers élèves, entame-t-elle la prière passée. Cela fait précisément deux semaines que vous êtes entrés dans le lycée Sainte-Marie. J'espère que vous vous y plaisez... Cela ne durera pas.

  Ses paroles me firent froid dans le dos. Comment ça, ça ne durera pas ? Veut-elle nous dire que nous avons intérêt à travailler et à ne pas glander ? Cette femme me terrifie, et je n'arrive pas à la comprendre. Il y a beaucoup de choses que j'aimerai comprendre. Pourquoi ces paroles ? Elle nous a répartis dans les chambres sans tenir compte de l'ordre alphabétique. Mais en tenant compte de quel ordre ?

  J'aimerai que le brouillard angoissant qui plane sur nous en ce moment s'estompe, j'aimerai tellement comprendre que je suis empli de colère et de frustration.

  Quand nous sortons, je me débrouille pour rester près de Carla. Nous sommes assis sur un banc, là où il y a peu de monde.

  — Je ne sais pas ce qui t'es arrivé, Carla, mais... Tu fais peur à tout le monde. Tous se demandent pourquoi tu es comme ça depuis l'autre soir, surtout ta sœur, Al et moi-même.

  Elle lève vers moi des yeux pleins de larmes.

  — J... J'étais sortie... Pour prendre l'air. J'ai été... Derrière le grand bâtiment, commence-t-elle. Mais un garde est arrivé vers moi, il était ivre.

  Tandis que ses larmes coulent, de plus en plus nombreuses, je la prends dans mes bras. Contre mon épaule, elle dit :

  — Il m'a violée, Manaël. Il m'a violée. Il m'a violée... Il m'a... Violée...

  Merde. Merde et encore merde. Je resserre encore un peu plus mon étreinte, désolé.

  — Tu devrais en parler à ta sœur. Je ne le répèterai pas.

  Elle hoche vigoureusement la tête.

  — Oui. Je vais... Je vais lui dire.

  Pour une fois, elle n'a pas été timide... La peur et la douleur ont effacé un instant sa timidité. Et comme ça, elle est une tout autre personne.


***

    Cara

 

  Allick et moi sommes assis sur le lit, moi dans ses bras, lui m'enlaçant par derrière. Nous discutons depuis un certain temps déjà quand Carla entre lentement dans la pièce. On aurait dit qu'elle aurait préféré être n'importe où plutôt qu'ici. Elle s'assoie en face de nous, toujours aussi lentement. Ses yeux sont pleins de larmes, mais je ne fais aucun commentaire.

  — M-Manaël m'a convaincue de vous parler de... Ce qui s'est passé ce soir-là.

  Je me redresse tout d'un coup et je m'approche d'elle. Quand Al la regarde avec attention, elle baisse la tête de peur de croiser son regard. Il prend la parole, me surprenant.

 — Carla, tu n'as pas à être timide avec moi. Je suis ton ami... Non ?

  Elle hoche la tête avec un semblant de sourire. C'est déjà ça.

  — L'autre soir... Je suis sortie pour... Prendre l'air.

  Je vois bien que les mots ont du mal à sortir je lui serre la main avec affection.

  — J'ai été derrière le bâtiment, vers le terrain de sport. Mais... Un... Un garde est arrivé...

  — Il y a des gardes ? Madame Li nous surveille à ce point ?

  Je lui lance un regard assassin, tandis que les yeux de Carla se remplisse une nouvelle fois de larmes.

  — Il... Il était ivre.

  Je la prends dans mes bras, et elle dit, assez fort pour que nous entendions :

  - Il m'a... Il m'a... Violée. Il m'a violée... Il m'a... 

  Bordel de m*rde. Et je n'ai rien vu...

  - Chht, calme-t-toi, dis-je tandis qu'elle est secouée de sanglots. Je suis là...

  J'allai la réconforter quand Madame Li entre dans la pièce.

  - Cara. Carla.

  - Madame, dis-je.

  - Suivez-moi je vous prie.

  Nous nous exécutons, non sans crainte, laissant Allick dans la chambre.

  - Où allons-nous ?

  Ce n'est que lorsque nous arrivons devant la porte du bâtiment interdit d'accès qu'elle me répond :

  - Rejoindre votre ami Nathan Cooper.

  J'esquisse un pas en arrière quand quelqu'un, dans mon dos, me pousse. Je n'avais pas vu le garde arriver. Carla, en le voyant, verdit à vue d'œil. Est-ce le garde qu'il l'a... Qui lui a fait du mal ?

  Ils nous font entrer dans un hall totalement blanc, puis dans un couloir de la même couleur. Enfin, ils nous font entrer dans une pièce, tout au fond : Salle de repos.

  Mais repos de quoi ? Je commençais à paniquer. C'est une salle entièrement blanche (encore), avec six fauteuils blancs (encore), et une table basse en plastique (toujours blanche). Il n'y avait aucune fenêtre, mais quatre personnes dans la pièce. Celles-ci se tournèrent vers nous, et je reconnus Nathan. L'air affligé, il s'approcha de nous tandis que Madame Li et son chien de chasse partaient, en fermant la porte blindée à clé.

  - Carla ! lance Nathan.

  J'avais oublié qu'il était au courant de ce qui lui était arrivé, même si je ne sais toujours pas comment.

  - Je suis désolé que vous soyez ici, ajoute-t-il. Carla, comment... tu vas ?

  - Bien, elle répond d'une toute petite voix.

  - Je vous présente Abby.

  Il désigna une fille aux cheveux bleus, au visage pâle et aux yeux vides. Une cicatrice marque sa joue gauche. Ça fait deux semaines qu'elle est enfermée ici... Je me rends compte que Nathan est très pâle, comme s'il était malade.

  Tout à coup, Madame Li entre, et nous fait signe, à Carla et moi, de la suivre. J'attrappe ma sœur par le bras et je la place devant moi.

  - Non.

  - Pardon ?

  - On ne viendra pas.

  La directrice fait un signe de la main et deux gardes entrent et nous forcent à les suivre. Celui qui tient Carla est l'enfoiré qui lui a fait du mal l'autre soir. Un jour, je vengerai ma sœur, je le promets.
Ils nous font nous allonger sur des tables d'opérations, et nous attachent avec des sangles. Puis ils partent, nous laissant seules.

  - Qu'est-ce qu'ils vont nous faire ? je demande à ma sœur, attachée près de moi.

  - À ton avis ? C'est une scientifique, nous sommes allongées sur des tables d'opération, même si utiliser des cobayes humains non-consentants est interdit, on ne doit pas chercher plus loin.

  - Tu crois que..., je souffle.

  - Oui. Parfaitement. Nous allons servir de cobayes.

 Peur. J'ai peur... Et, près de moi, allongée sur la table d'opérations, je sens que Carla est aussi terrifiée que moi. Elle se débat, des sangles entourent nos poignet et nos chevilles. L'angoisse me tord le ventre, quand j'entends des pas. Madame Li arrive...

  - Quelle chance d'avoir accueilli des jumelles cette année ! Vous avez un excellent potentiel, mes petites.

  - Qu'allez-vous nous faire ?

  - Je vais créer un lien entre vous deux. Si tu te fais mal, Cara, Carla subira la même chose, si tu t'ouvres le genou par exemple, Carla verra son genou s'ouvrir, sans véritable raison. Mais ça ne marchera que dans ce sens, malheureusement.

  En disant cela, elle s'approche de Carla et lui enfonce doucement une seringue dans la gorge. En quelques secondes, ma sœur s'endort artificiellement, puis c'est mon tour. Je n'ai que le temps de me dire que Madame Li est folle...

***

Madame Li

  Madame Li sortit de la salle A, où Cara et Carla dormaient encore artificiellement. L'opération s'était passée sans aucun souci, et elle était à peu près sûre que le lien fonctionnera, et qu'aucune des deux fille ne subira de dommages cérébraux.

  À présent, elle devait tester un produit, concocté par M. White et elle-même, sur un des sujets mâles, Nathan Cooper.

  Elle donna ses instructions aux gardes et une dizaine de minutes après, Nathan Cooper se tenait fermement sanglé à la table d'opérations de la Salle B. Madame Li, ignorant son regard haineux, lui enfonça paisiblement une seringue dans la jugulaire, puis se retira pour observer Cooper 2 (Cooper 1 étant Abby Cooper, sa sœur aînée) à travers la vitre.

  Pendant dix longues minutes, il ne se passa rien. Puis, Nathan commença à avoir des soubresauts, qui se transformèrent en convulsions, pendant encore deux bonnes minutes. Enfin, tout cessa.
Madame Li rentra dans la Salle B, et s'approcha de Nathan, un scalpel à la main. Le regard de Nathan s'emplit de crainte tandis qu'elle approchait l'arme de son bras. Puis, sans prévenir, elle traça une grande plaie à l'aide du scalpel, faisant couler le sang. 

  Alors, il se produit un truc phénoménal. La blessure se referma. Lentement, mais elle se referma.

  C'était incroyable. Madame Li, toute excitée, sortit et se rendit dans la "salle des professeurs".
M. White demanda :

  - Alors ? Le produit que nous avons réalisé a marché ?

  - Exactement ! À présent, toutes les blessures de Nathan Cooper se referment en moins d'une minute.

  - Ce produit se vendra très cher sur le marché, j'en suis certaine, dit Mme Kim, la présumée professeure d'anglais.

  Tous les soi-disant professeurs se lancèrent un regard victorieux. Il était temps de passer à l'action...



21/08/2014
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