Expériences, tome 1,

Expériences, tome 1,

Chapitre 9 ~ Enjoy the Silence


Chapitre 9 ~ Enjoy The Silence

Chapitre 9 ~ Enjoy The Silence

 

Mardi

 

Madame Li

 

  Madame Li progresse rapidement vers la Salle B, où est restée Abby durant la nuit. Inutile de préciser que cette dernière n'a pas fermé l'œil de la nuit... 

  Le produit N°1, légèrement amélioré, a parfaitement marché sur Abby. Il ne reste plus qu'à tester sa résistance au somnifère...

  Abby ne lui est plus utile, voilà pourquoi Madame Li tente le somnifère sur elle. La jeune fille étant anorexique, elle est trop faible et fragile. Alors, il n'y aura aucune conséquence, étant donné que les deux enfants vivaient en orphelinat. Ils étaient si insupportables que leur directrice les a congédiés ici pour s'en débarrasser... Sale histoire. Pauvres gosses. Avec un petit peu de chance, Abby rejoindra son frère dans l'au-delà... Si au-delà il y a, bien sûr.

  Madame Li n'a rien dit à Lola, qu'elle considère déjà comme assistante. Elle préfère ne pas l'impliquer dans ce meurtre... Dans ce deuxième meurtre. Parce que, oui, c'est un meurtre. Madame Li est quasiment sûre qu'Abby décèdera dans moins d'une heure, ou que sa santé mentale sera gravement touchée. La mort de Nathan l'avait déjà profondément touchée, mise en colère, mais elle s'est attachée, plus ou moins, à Abby et à son éternel mutisme. Ses yeux bleu électrique emplis de tristesse, ses cheveux bleus. En fait, si Madame Li l'avait appréciée, c'est surtout parce qu'Abby lui ressemblait. 

  C'est dur à y croire, certes, mais Madame Li avait été, autrefois, une véritable adolescente rebelle. Elle aussi avait un look gothique - bien qu'Abby aie un look emo, pas au point d'être gothique.

  La cruelle directrice entre dans la Salle B, qu'elle avait presque réservée à Abby, tant cette dernière subissait d'expériences. Madame Li avait de nombreuses fois testé les prototypes du produit N°1. Abby avait eu de la fièvre, était tombée malade un grand nombre de fois. Et elle s'affaiblissait...

  La jeune fille lève soin regard bleu sur Madame Li et lui lance un regard assassin. La concernée fut surprise, bien qu'elle ne le montre pas. D'habitude, Abby levait vers elle un regard blasé, amorphe, mais assassin ? Jamais. Alors, Madame Li se remémore que sa première victime, Nathan, est - était - son frère.

  — Bonjour, Abby.

  Pour la première fois, la jeune fille perçoit de la tristesse dans la voix de Madame Li. Son sang ne fait qu'un tour.

  — Quand est-ce que je pourrai rentrer dans la salle de repos ? Avoir un lit ? Et dormir ?

  Depuis longtemps, Abby  avait opté pour ce ton méprisant avec la directrice. Elle ne mérite pas mieux...

  — Je ne sais pas.

  À ces mots, Abby se raidit encore plus. Mme Li est-elle sûre à ce point qu'elle ne vivra peut-être plus quand la directrice repassera par la porte blanche ? Abby allait certainement mourir. Elle en était convaincue.

  D'habitude, Mme Li était sûre d'elle, et ce à toutes épreuves, même quand Abby lui avait jeté un flot d'injures à la figure.

  — Je vais t'injecter un somnifère très puissant. Je vais être honnête avec toi. Tu n'y survivra certainement pas.

  À sa grande surprise, Abby ne réagit pas. Elle se contente de la regarder d'un œil éteint. Elle s'était préparée à mourir. Cette jeune fille de dix-sept ans était prête à mourir...

  Mme Li, un pincement au cœur, injecte le somnifère dans la jugulaire d'Abby. Pendant cinq ou six secondes, il ne se passe rien. Puis les paupières d'Abby se firent lourdes, de plus en plus lourdes.

  Elle respirait. Elle respirait ! Mais elle ne s'est pas réveillée. Toute la journée, Mme Li, pleine de remords, a essayé de la réveiller, mais rien.

  Nathan Cooper est mort, Abby Cooper est dans le coma.

 

***

 

Eva

 

   Je vais devenir folle. Je n'en peux plus de rester dans ce lycée de malheur. Ça fait dix minutes que je fais les cent pas, dans ma chambre. Je sais pertinemment que cela agace Devis, Wade et Ryan, et je ne me gêne pas. 

  Sans prévenir, une sorte de folie guidant mes faits et gestes, je sors en trombe de la chambre, courant et dévalant les escaliers à toute allure. Je n'ai presque pas conscience de ce que je fais. Enfin, si. Je fais ce dont j'ai toujours rêvé.

  Je sors de cet endroit de malheur.

  Mais comment ? Arrivée au pied du mur, j'hésite. Prenant de l'élan, j'aggrippe le sommet du mur de mes mains. Je vais y arriver ? Je vais y arriver ! Mais une voix masculine crie mon nom : 

  — Eva ! Non !

  Je reconnais la voix d'Allick. Voudrait-il me retenir ? Est-il comme Zack, une p*tain de taupe ? Non, il veut me sauver. C'est ce que je réalise quand une main ferme saisit mon épaule, me faisant lourdement retomber par terre. C'est aussi à ce moment que je prends conscience de mon acte. C'est comme une crise de folie. Encore une... Depuis toute petite, je suis victime de "crises". Souvent, la fureur ou l'angoisse me domine, et je ne suis plus moi-même. Je suis submergée, le trop-plein d'émotions s'échappe. C'est pour cette raison que j'ai brûlé la voiture de mon ex, cet enfoiré m'avait trompée avec une Bilbo, blonde à forte poitrine. Et bête comme ses pieds qui plus est.

  Je ne relève pas les yeux vers le garde qui m'a prise la main dans le sac. L'angoisse me tord les tripes, au point que je pourrai faire une autre connerie. Mais je me contrôle... Pour l'instant. Agir sous une impulsion n'est jamais bon.

  Nous nous dirigeons vers le bâtiment des expériences. Non pitié, pas ça pas ça... à croire que personne n'a écouté ma prière muette. Mon angoisse grandit, grandit encore au creux de mon ventre.

  Durant ces deux semaines, je n'avais pu qu'à percevoir le hall imaculé. C'est... Hideux. Tout ce blanc donne envie de vomir. À gauche se profile un long couloir blanc, je devine facilement que les expériences scientifiques se déroulent par-là. Mais apparemment, ce n'est pas ce qui m'attend, puisque le garde me traine dans l'escalier, tout aussi blanc et à l'allure stérilisé que le reste.

  Merci mon Dieu merci...

  À l'étage, le décor est complètement différent. Il n'y a plus une seule teinte de blanc, c'est... Radical. Nous longeons le couloir aux murs de bois, plutôt rapidement. L'atmosfère est moins morbide, mais elle n'en est pas moins pesante. 

  Le garde s'arrête devant une porte ouverte.

  Le bureau de Mme Li. Autant dire tout de suite que je suis finie.

  — Abby, dit-elle de sa voix autoritaire. Je pensais que tu étais plus intelligente et que tu ne te laisserais pas avoir. Mais peut-être t'ai-je surestimée.

  Elle pense ça ? Parfait. Je vais la laisser croire que je suis une imbécile.

  — Qu'est-ce que vous allez me faire ? je dis en prenant une voix tremblotante. 

  — Suis-moi.

  Tandis qu'elle sort du bureau, je m'exécute. Nous descendons l'escalier et elle me conduit dans le couloir imaculé que j'avais aperçu. Nous nous arrêtons devant la porte "Salle A".

  Nous entrons, et mon sang se glace d'effroi. Dans la pièce totalement blanche se tient une table d'opérations, elle-même armée de sangles pour maintenir le "patient" immobile.

  — Allonge-toi.

  — Non !

  Avec une force inattendue, elle me saisit le poignet et me force à m'allonger. Est-ce ça que les jumelles ont vécu ? Était-ce dans cette même salle ? J'en ai bien peur. En un coup sec, les sangles se referment sur mes poignets et mes chevilles. 

  Elle l'injecte ce que j'identifie  comme un calmant, puis mes paupières deviennent de plus en plus lourdes. Merde, fut ma dernière pensée.

 

 

  Mes yeux s'ouvrent en papillonnant. Qu'est-ce qui m'est arrivé ? Je suis dans un fauteuil blanc, à moitié allongée. Des bribes de souvenir m'assaillent. Ma tentative de fuite... Le garde... Le bureau de Madame Li... La Salle A ! La table d'opérations !

 À ces pensées, je me redresse instantanément, et je prends enfin conscience de l'endroit où je suis. C'est une salle totalement blanche (pour changer), contenant une dizaine de fauteuils et quelques tables basses en plastique blanc. En face de moi, confortablement installée sur un fauteuil, Mme Li m'observe, un bloc-notes à la main, un crayon de bois dans l'autre.

  — Bonjour Eva. Comment te sens-tu ? 

  — Qu'est-ce que vous m'avez fait ?

  Elle soupire et note quelque chose sur son carnet. De ce que je vois, c'est un amas de notes dans tous les sens, avec des traits et des flèches un peu partout.

  — Répond à ma question.

  — Nauséeuse. Que m'avez-vous fait ?

  — La même chose que Nathan, en beaucoup plus... Amélioré. Si tu te blesses, tes blessures se refermeront instantanément.

  Je lui lance un regard blasé, qui signifie à peu près : "Mais bien sûr, mais bien sûr."  

  — Blesse-toi, et tu verras, dit-elle en désignant le scalpel posé sur la table basse nous séparant.

  Sans lui montrer que j'ai peur, je saisis l'arme et entaille mon pouce. Et la coupure... Se referme petit à petit !

  — Wow, je souffle du bout des lèvres. C'est... C'est...

  — Spectaculaire ?

  — Alors c'était pour ça que vous nous avez enfermés ?

  — Pas seulement. J'ai des centaines de produits qui attendent d'être testés.

 

***

 

   Raven (--> Nouveau personnage ! Vous comprendrez qui c'est dans ce passage...)

 

   Je me gare tranquillement sur le parking, arrêtant ma moti pour de bon, après dix minutes de conduite. Je prends mes escarpins dans mon sac et je remplace mes vieilles basket. Ensuite, je me remaquille légèrement à l'aide du rétroviseur, me recoiffe un peu et je me dirige vers la discothèque. 

  Bas', déjà un peu pompet, s'approche de moi.

  — Raven ! T'en a mis du temps !

  — J'étais coincée au bureau.

  Le chef de police m'avait collé toute la paperasse sur le dos, avec le week-end comme prétexte. Dieu, que je le hais, et j'ai bien l'impression que c'est réciproque. Aujourd'hui, ça fait un an que je suis entrée dans la police criminelle. Pour fêter ça, je sors en boîte avec quelques collègues. 

  Bas' me tend une bouteille de guerre, et je suis partie.

 

  Je me réveille dans mon lit, et mon premier réflexe est de regarder l'heure. Merde ! Onze heures et demi. Je sens que le chef ne va pas aimer. J'enfile un jean et une chemise en vitesse, prends un verre de jus de fruits, enfile mon baser et je sors de mon appartement. C'est alors que je vois une vieille publicité trainer dans le couloir. Une pub pour un certain lycée, le lycée Sainte-Marie. Tiens, le lycée demande d'envoyer les enfants en pensionnat pendant... Un an ?! Mais c'est totalement illégal ! Et très louche... Je saisis la publicité et regagne le bureau. Malheureusement pour moi, le chef m'attend dans mon bureau.

  — Vous avez trois heures de retard.

  — Je suis désolée. Mais j'ai quelque chose d'important à vous montrer.

  Je lui tends le fameux prospectus, et il le lit attentivement.

  — En effet, c'est louche. Nous nous en occuperons dans quelques semaines.

  Sur ces mots, il quitte mon bureau. Il veut attendre ? Moi, j'ai le sentiment que je dois agir maintenant. Je fais immédiatement demi-tour et enfourche ma moto. Ce lycée n'est qu'à vingt minutes d'ici, autant l'observer discrètement.

  J'arrive devant des hauts murs et un immense portail noir cadenassé. 

  — On ne dirait pas un lycée...

  Je sens que je vais approfondir cette histoire plus que louche...

 

***

 

Zack

 

 Aargh, quelle garce ! Mme Li nous a eus en beauté. Enfin, surtout Sarah et moi, étant donné que cette peste de Lola admire la directrice. 

  Mais ce n'est pas ça qui me tracasse le plus. Ce qui me désole profondément, c'est le regard de Carla, quand Mme Li m'a appelé, sur l'estrade. Son regard triste, mais pas vraiment surpris. Son regard morne... 

  Je ne sais toujours pas ce qui s'est passé ce soir-là, quand elle est rentrée tard, si... Blessée.

  Je regarde rêveusement à travers la fenêtre, voulant passer le temps. Je suis en tenue d'uniforme, je "garde" le couloir menant aux différentes salles d'opérations. C'est alors que je vois une tête brune s'asseoir sur un banc, hésitante.

  Carla !

  Elle a l'air si... Absente ! Et ses yeux me manquent tellement... J'ai l'impression d'avoir complètement changé en deux semaines. Qu'est-ce qui m'arrive ? Je n'ai jamais ressenti ça pour toutes les filles avec lesquelles je suis sorti. D'ailleurs, c'est pour cette raison qu'Allick m'en veut. Parce que je suis sorti avec sa meilleure amie, et qu'il a dû "la ramasser à la petite cuillère". Ce qu'il dit.

  J'observe son dos fin, ses magnifiques cheveux bruns. Je... L'aime ? Impossible. Je ne la connais pas. C'est plus de... L'attrait. Mais ce que je sais, c'est que je dois trouver comment lui parler. Je veux qu'elle comprenne. Qu'elle me pardonne...

  Un autre garde, Robert, s'approche de moi et suit mon regard.

  — Tiens, tu t'intéresse à la petite Cara ?

  — Carla.

  — Peu importe. T'as raison. Elle est bien bonne, celle-là.

  Je me retourne vivement vers lui.

  — Qu'est-ce que tu viens de dire ?

  — M'dame Li m'a demandé d'la violer. Et c'est un sacré coup. J'pense que m'dame Li te laissera faire aussi si tu lui demande gentiment.

  D'un coup, une pure rage m'envahit. Mon poing vole de lui-même pour s'écraser sontre le nez affreux du garde.

  — T'es qu'un salaud ! Comment t'as pu faire ça !

  Bordel de merde. Alors c'était ça, ce qui lui est arrivé, l'autre soir... Et moi je n'ai rien vu - c'est à cause de moi si elle est partie. Je continue à frapper Robert, mué par une colère, une haine sans limites. Je le hais. Dieu, que je le hais. Je lui envoie des coups de pieds, des coups de poing. Finalement, c'est Sarah qui nous sépare.

  Sarah est une jolie fille assez gentille, et comme par hasard elle a le don de me calmer... Un peu comme Carla.

  — Zack, bon sang, qu'est-ce qui te prend ! dit-elle en me retenant, tandis qu'un autre garde me retient également, m'empêchant de me jeter sur Robert.

  — Il l'a violée ! Cet enfoiré l'a violée !

  — Mais qui ?

  — Carla ! C'est cette ordure qui lui a fait du mal !

  La dernière chose que je vois c'est Madame Li approchant vers moi, une seringue à la main.

 

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24/08/2014
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